Afrique subsaharienne : Et si la dictature était un autre virus qui affecte la santé des populations ?

Article : Afrique subsaharienne : Et si la dictature était un autre virus qui affecte la santé des populations  ?
Crédit: Timothé ATTIA
13 décembre 2021

Afrique subsaharienne : Et si la dictature était un autre virus qui affecte la santé des populations ?

Nous sommes sans ignorés que la dictature à de multiples conséquences sur plusieurs domaines de la société notamment l’économie, l’éducation, le social, etc. Cependant nous sommes-nous déjà posé.es la question sur son potentiel impact sur notre santé ? Si non, cette petite réflexion vous donnera une idée de ce rapport entre démocratie et santé de la population.

Le triomphe idéologique de la démocratie et du libéralisme sur les autres idéologies politiques à la fin de la guerre froide, avait laissé penser que toutes les nations convergeraient vers un idéal démocratique. Certains penseurs et hommes politiques croyaient même à l’expansion fulgurante du régime démocratique dans tous États du monde. Cependant, cette lueur d’espoir sera assez rapidement dissipée en raison de la montée en puissance des régimes autoritaires dans certains pays, parfois dans des territoires décolonisés par les promoteurs de la démocratie.

En Afrique subsaharienne par exemple, la démocratie s’est vue engloutir précocement au lendemain des indépendances, en l’occurrence par la dictature. Définie comme « la concentration des pouvoirs aux mains d’un seul homme, d’une assemblée, d’un parti qui l’exerce alors sans limite et qui pallie sa faible légitimité par l’exercice abusif de la force », la dictature est perçue aujourd’hui comme le propre de plusieurs dirigeants de cette partie du continent africain. En effet, on assiste dans ces pays à l’exercice arbitraire du pouvoir d’État, à l’absence de contrôle démocratique, à l’absence de séparation de pouvoir, à l’usage démesuré de la violence, à la privation des libertés individuelles voire à la faible participation des populations aux prises de décision.

Une telle situation n’est pas sans conséquences. Si plusieurs réflexions se sont axées sur l’impact de la dictature sur l’économie ou encore sur l’environnement politique, cet article proposera une réflexion autour de l’impact de la dictature sur la santé des populations en Afrique subsaharienne.

Privation de la liberté d’expression, le premier symptôme du virus « dictature » 

Contrairement aux espoirs placés au lendemain de la proclamation progressive des indépendances, certains pays d’Afrique subsaharienne restent depuis ces dernières décennies à la traîne en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme. La montée substantielle de dirigeants avides de pouvoir et de puissance, plonge une grande partie de la région subsaharienne d’Afrique dans une spirale autocratique voire dictatoriale. Le désir de se maintenir vaille que vaille à la magistrature suprême, conduit une majorité de gouvernants de cette partie du monde à pratiquer une forme de gestion territoriale foncièrement néfaste pour leurs populations. 

L’une des caractéristiques de ces régimes dictatoriaux, est la privation de la liberté d’expression. Définie comme « un droit garanti par la constitution permettant à tout citoyen d’exprimer librement ses opinions », la liberté d’expression demeure un véritable défi à relever dans cette partie d’Afrique. Dans plusieurs territoires de cette zone de l’Afrique, on assiste au contrôle absolu sur la presse et l’information ; à la détention illégale de plusieurs individus en raison de leurs opinions ; à la répression des marches pacifiques ; aux contrôles des flux d’informations venant de l’extérieur ; à l’emprisonnement de journalistes en raison de leurs positions…

Pourtant, ces agissements contraires aux principes de la charte des droits de l’Homme ne sont pas sans résonances pour les populations de l’Afrique subsaharienne. Dans un rapport du publié en septembre 2011, le Conseil Européen établit un lien entre la liberté d’expression et bien-être d’une population. Il montre dans cette réflexion que la liberté d’expression est une condition indispensable au bien-être des population. Par conséquent, dans ces états où la liberté d’expression reste un élément difficilement accessible, on est tenté d’affirmer que la privation de la liberté d’expression et ses corollaires observables dans certains pays de l’Afrique subsaharienne, constituent une menace pernicieuse pour le bien-être mental (développement de la peur, harcèlement), physique (répression, violence…) et social (détention illégale) de leurs populations.

La dictature, lieu de faible participation citoyenne

Carton de manifestant indiquant "On ne fait pas un monde différent avec l'indifférence"
Crédit photo: Pixels-Mathias

La participation citoyenne, selon l’institut du Nouveau Monde est « l’exercice et l’expression de la citoyenneté à travers la pratique de la participation publique, de la participation sociale et de la participation électorale ». Cette exercice telle est considérée comme un idéal quasiment inatteignable dans un régime autocratique.

Dans certains états d’Afrique subsaharienne où la dictature est à son paroxysme, force est de constater une faible participation citoyenne aux décisions touchant directement leurs vies communautaires, aux négociations, à la réalisation des projets de territoire, à la recherche des solutions, à l’élaboration des politiques de développement etc. 

En effet, les populations vivant dans ces pays sont en marge de toutes décisions nécessitant indéniablement leurs avis, à l’exception des périodes électorales où elles apparaissent comme des trésors à encenser. Pourtant, une telle marginalisation se présente comme un véritable déterminant de dégradation de la santé. En effet, elle s’oppose catégoriquement au concept de promotion de santé, qui met en avant l’idée d’une participation citoyenne.

Selon la charte d’Ottawa, la promotion de la santé passe par la participation effective et concrète de la communauté à la fixation des priorités, à la prise des décisions et à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies de planification en vue d’atteindre une meilleure santé.

Par conséquent, l’absence d’une réelle participation citoyenne dans les pays d’Afrique subsaharienne pourrait en danger la santé de leurs populations.

La dictature et l’absence de citoyenneté

Considérée par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « l’absence de différences évitables ou remédiables entre différents groupes de personnes, qu’ils soient définis selon des critères sociaux, économiques et démographiques ou géographiques », l’équité est un principe totalement contraire aux aspirations et objectifs des régimes dictatoriaux. 

Dans certains espaces d’Afrique Subsaharienne où la dictature est encore vivace, l’atteinte de l’équité s’apparente à la recherche de l’eau dans le vaste désert du Sahara. En effet, un certain nombres de ces pays sont marqués par de fortes disparités résultant des programmes sociaux insuffisants, des modalités économiques injustes et des stratégies politiques mal pensées. Ils apparaissent comme le lieu des différences d’accès au logement, à l’alimentation, à l’éducation, à l’emploi, aux centres de santé etc. Ce sont également des territoires où le népotisme et le favoritisme sont énormément développés.

De telles réalités nous conduisent à établir un rapport entre l’absence d’équité et la santé populationnelle en Afrique Subsaharienne. Plusieurs études, notamment l’article de Thibaut de Saint Pol sur les inégalités sociales face à la santé en France, ont montré que les différences socio-spatiales sont de forts déterminants de la dégradation de la santé dans certains pays. En d’autres termes, les différences d’accès aux ressources sanitaires, environnementales, économiques, sociales favorisées et nourries par les régimes autocratiques, s’inféodent à de véritables poisons qui affectent silencieusement de la population d’Afrique subsaharienne.

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