La santé, un processus à sept portiques – Partie 1

La santé, un processus à sept portiques – Partie 1

A l’heure où la Covid-19 se place comme une véritable loupe grossissante des inégalités socio-spatiales, l’idée d’une meilleure santé humaine est perçue comme un gros défi à relever. Partout dans le monde, de nombreuses personnes rencontrent des difficultés quant à l’accès à un revenu suffisant, à un emploi, à une éducation de qualité, à une alimentation saine et durable, à des services de santé, à de l’eau potable et à un logement approprié. Certaines personnes sont victimes d’injustice sociale, de pollution en raison de la célérité de l’urbanisation ; d’autres pâtissent d’une plus grande inégalité de sexe et ne bénéficient guère de conditions environnementales favorables. D’une telle situation résulte de divers problèmes de santé à savoir le développement des pathologies, l’accroissement du taux de mortalité, décès prématuré etc. S’imprégnant de cette réalité, l’Organisation Mondiale de la Santé à l’occasion de la traditionnelle célébration de la journée mondiale de la santé, a invité le 7 Avril 2021, tous les acteurs de la santé à la participation d’une campagne dénommé « Pour un monde plus juste et en meilleure Santé ». L’objectif est d’encourager toutes les parties prenantes, politiques comme acteurs de la société civile, à œuvrer pour une meilleure santé dans le monde. Ainsi pour faire l’écho de cette journée mondiale assez particulière, nous vous proposerons tout au long de cette réflexion, sept portiques pour accéder à cet espace « Meilleure santé ».

L’éducation, un moyen indispensable pour une meilleure santé

Liée autrefois stricto sensu au champ médical (système de santé et de soins…), la santé revêt aujourd’hui de multiples connotations. Des systèmes de soins à l’urbanisme, de l’urbanisme à l’éducation, de l’éducation à l’équité et la justice sociale, la santé semble ne plus être limitée à une conception technico-scientifique de la médecine. La définition donnée en 1986 par l’OMS « État de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » a totalement élargi le champ de la santé. En rapport avec cette définition, de nombreuses études ont démontré les liens étroits entre éducation et santé. Avant d’aborder minutieusement la question des études qui prouvent la compatibilité entre « santé » et « éducation », il est important de signifier que le rapport entre ces deux notions s’étend à deux dimensions fondamentales. D’une part, parler d’éducation dans le champ de la santé, c’est avant tout favoriser l’accès de tous à une éducation de la qualité. Selon des experts comme Padmini Murthy (Professeur adjointe au New York Medical College School of Public Health), le niveau de connaissance, l’analphabétisme, l’illettrisme, la littératie, le niveau d’instruction et l’aptitude personnelle ont un impact significatif sur la santé humaine. En effet, elle affirme que le manque d’éducation et l’analphabétisme chez les femmes et les enfants ont des effets multiples et des conséquences négatives directes et indirectes sur leur santé. Cette vision est confirmée par la déclaration d’Incheon 2015 qui stipule que l’éducation développe les connaissances, les valeurs et les attitudes, permettant aux citoyens de mener une vie pleine en bonne santé. D’autre part, la relation entre « santé » et « éducation » se perçoit dans l’apparition du concept « Education pour la santé » développé lors de la 36eme assemblée mondiale de la santé en 1983. Ce concept désigne « tout ensemble d’activités d’information et d’éducation qui incitent les gens à vouloir être en bonne santé, à savoir comment y parvenir, à faire ce qu’ils peuvent individuellement et collectivement pour conserver la santé, à recourir à une aide en cas de besoin ». Il constitue alors un véritable moyen de prévention visant à réduire la mortalité prématurée, le développement des pathologies mais également un moyen de vivre en meilleure santé. Bien qu’il existe peu d’études ayant établi une relation causale entre « santé » et « éducation », de nombreux auteurs n’ont pas manqué de souligner leur complémentarité. En 2010, Denney, et al ont montré par le truchement d’une étude réalisée aux Etats-Unis, que l’éducation permettrait d’accroitre l’espérance de vie de 3 à 7 ans pour les individus de 25-30 ans. Toujours dans cette même veine, Ferrie, et al, 2009 ont prouvé que les personnes possédant un niveau de connaissances de base limité souffrent plus souvent et plus tôt de maladies chroniques, respiratoires et coronariennes. Enfin, F. Bonnin, et A. M. Palicot 2001, affirment que l’éducation favorise le bien-être et le développement de la qualité de vie au niveau individuel et collectif.

L’accès à l’alimentation, un gage de promotion de la santé

En grand visionnaire, Hippocrate avait certainement compris le rapprochement entre santé et alimentation quand il affirma « Nous sommes ce que nous mangeons ». Il avait cerné déjà dans l’antiquité, le rôle primordial de l’alimentation dans la quête d’une meilleure santé. Exclusivement limitée par les nutritionnistes à certain un nombre de calories et de nutriments que nous devons consommer pour préserver notre santé, il est important de signifier que cette pensée du père fondateur de la médecine va bien au-delà du seul aspect nutritionnel. En effet, nous sommes certes le fruit de ce que nous mangeons, mais il parait évident de déclarer que nous mangeons les aliments dont nous avons accès. Par conséquent, parler de l’alimentation dans le domaine de la santé, c’est aussi évoquer la question de l’accès physique et économique des personnes à se procurer à tout moment une nourriture suffisante. Pour l’ONU (1995), l’accès à l’alimentation est importante non seulement pour la survie, mais aussi pour le plein développement des capacités physiques et mentales de chacun. C’est également un droit fondamental pour la réalisation de plusieurs droits comme le droit à la santé. De ce fait, renforcer l’accès à l’alimentation des personnes équivaut à donner la capacité à chaque individu de contrôler et d’améliorer son état de santé. Pour cela, le respect de quatre éléments à savoir l’adéquation (une nourriture disponible en fonction du contexte social, économique, culturel et environnemental), la disponibilité (accès à une nourriture suffisante et de qualité), l’accessibilité (l’accès à une nourriture sans discrimination et à des prix qui ne compromettent pas d’autres besoins essentiels) et la durabilité (le contrôle du système alimentaire), sont indispensables pour y parvenir.

Accès et condition de logement : Des leviers de la santé ?

Les différentes études sur les déterminants sociaux de la santé sont tous unanimes sur les liens étroits entre logement et santé. Les conditions de vie et l’état de santé des personnes sans domicile fixe, des personnes résidant dans les bidonvilles et celles obligées de rester dans des habitats insalubres, témoignent du rapport d’interdépendance entre « logement et la santé ». Les caractéristiques telles que la suroccupation, le mode d’occupation, le quartier de résidence, la disponibilité, le type et la dimension du logement sont susceptibles d’avoir une incidence positive ou négative sur la santé des occupants. Ellen et Al en 2001 le justifient en affirmant que « les résidents des quartiers défavorisés sont en moins bonne santé que les résidents des quartiers plus aisés ». Allant encore plus loin, une étude réalisée en 1996 au canada par Wilkins et al, montre que la probabilité de survie jusqu’à l’âge de 75 ans chez les hommes des quartiers les plus aisés se chiffrait à 68,6 %, tandis qu’elle n’atteignait que 53,4 % parmi les hommes des quartiers les plus défavorisés. Ces deux études bien qu’elles soient axées sur les populations ou l’individu, démontrent le rôle majeur du logement dans la promotion de la santé. Elles révèlent la nécessité des gouvernements à se pencher sur la question de la propagation des bidonvilles, à réfléchir à de véritables politiques d’accès au logement décent pour tous, mais également à créer des conditions de logement favorables à la santé.

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