Timothé ATTIA

Quand les espaces verts deviennent des éléments primordiaux de promotion de la santé

Parler de promotion de la santé, c’est sans ambages faire appel à l’idée de création d’un environnement favorable au bien-être des populations. Parmi l’ensemble des politiques d’aménagement du territoire participant à donner aux individus un plus grand contrôle sur leur santé, la création d’espaces verts semble se présenter comme l’un des éléments primordiaux de promotion de la santé.

Depuis une trentaine d’années, la notion de promotion de santé est au cœur des démarches et politiques de santé publique dans le monde. Selon l’OMS dans son glossaire de la promotion de la santé, le concept de promotion de la santé s’inféode à « un processus social et une politique globale, qui comprend non seulement des actions visant à renforcer les aptitudes et les capacités des individus mais également des mesures visant à changer la situation sociale, environnementale et économique, de façon à réduire ses effets négatifs sur la santé publique et sur la santé des personnes ».

C’est donc un processus qui confère aux individus, les moyens de mieux maîtriser les déterminants de la santé et ainsi de l’améliorer. Sa mise en œuvre passe par l’application de cinq grands principes d’action prioritaire définis par la charte d’Ottawa. Il s’agit de la création des milieux favorables à la santé, du renforcement de l’action communautaire, du développement des aptitudes personnelles, de la réorientation des services de santé et de l’élaboration des politiques conditionnant la santé.

En lien avec notre sujet, nous nous focaliserons essentiellement tout au long de notre réflexion, sur un domaine d’action prioritaire, en l’occurrence « la création des milieux favorables à la santé ». Promouvoir la santé sur un territoire, c’est avant tout modifier ou transformer les milieux de vie et non pas se limiter à un changement des comportements de santé (Avoir une alimentation saine, manger équilibrer, faire du sport…). De ce fait, agir sur la santé passe au préalable par un choix d’aménagement et de planification favorables à la santé.

De tous les aménagements créant des conditions adéquates à la santé populationnelle, notre regard s’est porté sur les espaces verts. Désignant selon Géoconfluence « des terrains non encore bâtis, végétalisés ou arborés, boisés ou agricoles », les espaces verts sont considérés aujourd’hui comme des ressources indispensables de promotion de la santé. De nombreux travaux de recherches et études s’accordent à démontrer la relation étroite entre la présence des espaces verts et la santé physique, mentale et sociale.

Les espaces verts, facteur de promotion de la santé physique

Les maladies non transmissibles y compris les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires chroniques, le diabète ainsi que les troubles mentaux et neurologiques constituent une menace importante pour la santé humaine. Selon Nathalie Röbbel, spécialiste de l’OMS, ces maladies représentent actuellement 68 % de la mortalité mondiale chaque année. Une telle situation alarmante a conduit la communauté internationale, à la recherche de solutions et à l’élaboration des politiques de santé publique dans l’optique de réduire ce taux de mortalité inquiétant lié aux différentes pathologies.

Parmi les nombreuses recherches menées, l’importance de la présence des espaces verts en milieu urbain, fait partie des palliatifs majeurs pour atteindre une meilleure santé. De nombreuses études dans le monde ont souligné les effets positifs qu’engendrent les espaces verts sur la santé physique (La santé physique se définissant comme l’état corporel d’un individu, prenant tout en considération, de l’absence de maladie jusqu’au niveau de condition physique). Selon une étude écossaise réalisée au sein de huit villes européennes, le risque d’être atteint d’obésité est inférieur à 40% dans les quartiers disposant d’un ou plusieurs espaces verts.

En outre, se penchant sur le lien entre le végétal et la mortalité, une étude américaine a permis de montrer que les espaces verts seraient un facteur de réduction (40%) des décès prématurés en milieu urbain. En Australie, un sondage postal adressé par des chercheurs (Sugiyama et Al, 2008) à plus de 1000 adultes , a démontré le lien étroit entre perception positive de la santé et la présence de la verdure. Se focalisant sur la relation entre longévité et présence des espaces verts, une étude prospective réalisée par Takano et Al en 2002, au japon, est parvenue à prouver l’impact des espaces verts sur la longévité. Selon les auteurs, la survie augmente de façon significative en fonction de la disponibilité des parcs, des rues bordées d’arbres, des forêts…

En somme, toutes ces études transversales à grande échelle suggèrent une relation positive entre santé autodéclarée et présence des espaces verts. Bien qu’étant insuffisantes pour établir des liens de causalités, ces études peuvent permettre d’affirmer que les espaces verts constituent un facteur prédictif d’une meilleure perception de la santé.

Les espaces verts, des espaces thérapeutiques

Sur tous les territoires du monde, les troubles mentaux sont à l’origine de plusieurs décès précoces et de mauvais états de santé. Le fardeau associé à cette réalité s’est accru de plus d’un tiers entre 1990 et 2010 selon les experts. La nature chronique de certaines maladies mentales ainsi que leur incidence sur la capacité à trouver et à maintenir un emploi à temps plein, constitue un véritable défi pour plusieurs États. Résultant des facteurs biologiques, socio-économiques et environnementaux, les maladies mentales sont au cœur d’une multitude d’études scientifiques.

A cet égard, un ensemble important de travaux de recherche a été colligé afin d’évaluer la résonance des milieux bâtis et naturels sur la santé mentale des populations. L’une des caractéristiques communes à ces milieux, est la présence d’espaces verts. Des études épidémiologiques révèlent que les espaces verts sont associés à une meilleure santé mentale voire une réduction de la dépression.

En 1991, Ulrich et Al développant la théorie de la réduction du stress, ont pu affirmer « qu’une vue de végétation ou l’usage d’un espace d’apparence naturelle susciteraient des émotions positives bloquant les pensées et les émotions négatives et amélioraient ainsi la réponse au stress ». Soutenant une telle réflexion, plusieurs auteurs comme Brown et Al en 2013, considèrent les espaces verts comme des milieux thérapeutiques en raison de leurs capacités à promouvoir le bien-être et à améliorer l’humeur des individus. En outre, des études statistiques dont certaines randomisées, ont démontré que l’exposition à des espaces verts ou à des photographies d’espaces verts participerait à une réduction de la fatigue et du stress (Hartig et Staats, 2006).

Enfin, d’après les études transversales réalisées au Danemark par Nielsen et Hansen en 2007, l’accès et la proximité des espaces verts engendrerait des niveaux de stress moindres. En résumé, ces différentes études mettent en exergue les propriétés réparatrices des espaces verts et leurs capacités à procurer une meilleure santé mentale.

Les espaces verts, geste-barrière contre la pollution de l’air

Le rôle des espaces verts dans la réduction de la pollution de l’air et de l’atténuation de l’exposition est un sujet très complexe en raison des multiples phénomènes à prendre en considération. Globalement, l’ensemble des données empiriques ne suggèrent pas que les espaces verts soient des moyens efficaces pour réduire durablement la pollution de l’air, mais ils peuvent contribuer à atténuer l’exposition des populations à la pollution par différents mécanismes (Markevych et Al, 2017).

Dans une étude réalisée en 2019, des chercheur.es de France à l’instar de Pascal et Al soulignent que la végétation participerait à éliminer certains polluants de l’air, à absorber des polluants gazeux et à piéger les particules nocives pour la santé. De ce fait, une surface foliaire importante se positionne comme une barrière efficiente contre la pollution atmosphérique. En parallèle, Nathalie Röbbel, spécialiste de l’OMS, soutient ces propos en affirmant que l’augmentation du nombre d’espaces verts et de leur qualité est susceptible d’atténuer les polluants atmosphériques à courte durée, responsables de la mort prématurée de 7 millions de personnes chaque année.

En substance, les espaces verts se positionnent comme de véritables moyens de lutte contre la pollution atmosphérique et les effets des changements climatiques.

Sources de réflexion

Takano, T., Nakamura, K. et Watanabe, M. (2002). Environnements résidentiels urbains et la longévité des seniors dans les mégapoles: l’importance des espaces verts piétonniers. J Epidemiol Community Health, vol. 56, non 12, p. 913-918.

Ulrich, R.S., Simons, R.F., et collab. (1991). Récupération du stress lors d’une exposition à la nature et les environnements urbains. Journal of Environmental Psychology, vol. 11, non 3, p. 201- 230.

Roué-Le Gall A., Porcherie M., Deloly C., Jabot F., Thomas M-F. (2019) Des espaces verts urbains favorables à la santé: de la théorie à l’action, p32-34.

Institut National de Santé Publique du Québec, les espaces verts urbain et la santé, Rapport 2011


Quand le réchauffement climatique affecte notre santé mentale

Si la relation entre le réchauffement climatique et la santé physique gagne du terrain dans le monde scientifique, la question du rapport entre la hausse des températures et de la santé mentale reste peu documentée. Pourtant, un certain nombre d’études ont tenté de révéler l’impact inquiétant du réchauffement climatique sur la santé mentale des populations. Faisons ensemble une immersion pour mieux comprendre ce rapport.

       
À partir du 31 octobre 2021, la prestigieuse ville de Glasgow au Royaume-Uni accueille la 26eme Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Comme à l’accoutumé, cette immense rencontre est l’occasion de faire le point sur les différents engagements pris lors de l’accord de Paris, mais également d’offrir aux dirigeants mondiaux une occasion unique d’agir ensemble pour la limitation des hausses de température et le changement climatique. Cet évènement est d’une importance cruciale car selon les dernières estimations de l’ONU, la hausse de la température globale pourrait probablement dépasser le seuil de 1,5 °C depuis l’ère préindustrielle entre 2021 et 2040 . Dans son dernier rapport (Aout 2021), le Groupe Expert Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) souligne que le réchauffement de la planète provoque des changements plus marqués parfois irréversibles concernant les régimes de précipitations, les océans et les vents dans toutes les régions du monde. Au sein de l’Union Européenne par exemple, on observe des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et intenses notamment des vagues de chaleur, des inondations, des incendies de forêt, etc.

Cette situation assez inquiétante constitue une réelle menace pour notre planète, mais aussi pour la santé humaine. En marge de ce grand rendez-vous, nous essayerons d’aborder dans cet article le rapport entre le réchauffement climatique et la santé mentale. Cette réflexion sera une synthèse des connaissances qui existent sur la thématique de l’impact du réchauffement climatique sur la santé mentale.

Les catastrophes naturelles et la santé mentale

Tremblement de terre
Crédit: Angelo Giordano / Pixabay

Si les conséquences du réchauffement climatique sur la santé physique sont bien documentées, il est important de souligner que très peu d’études abordent le rapport entre santé mentale et réchauffement climatique. Dans un rapport, Emma Lawrance de l’Imperial Collège de Londres estime que la santé mentale constitue l’impact invisible du réchauffement climatique. Pourtant, les différents événements climatiques extrêmes à l’instar des inondations, des ouragans, des typhons, des tsunamis ne sont pas sans incidence sur la santé mentale des populations. Dans un article publié en 2017, Lily Lessard et Geneviève Brisson affirment qu’« il est fréquent d’observer lors des catastrophes naturelles, des états de stress aigu, des sentiments de vulnérabilité, de la détresse psychologique et de l’épuisement » .

En effet, la survenue d’une catastrophe naturelle engendre des conditions pathologiques comme des troubles d’adaptation, des deuils pathologiques, des états de stress post-traumatiques, des troubles anxio-dépressifs, des troubles de sommeil, parfois des abus de substances illicites et des suicides. Lors d’une intervention, Frédérick Philippe de l’Université du Québec à Montréal déclarait que les effets des événements aversifs de la vie (accident, deuil, catastrophe naturelle…) sont responsables de 50% de tous les problèmes de santé mentale dans le monde (anxiété, dépression, trouble de la personnalité, idées ou comportements suicidaires, etc)

Des troubles mentaux corrélés à la hausse des températures ?

Mal de tête
Crédit: Geralt / Pixabay

Parler de réchauffement climatique, c’est évoquer la question de la hausse des températures observée depuis ces dernières décennies. Cette réalité alarmante pousse à nous interroger sur le rapport entre hausse de la température et santé mentale des populations. Lors d’une enquête réalisée entre 2002 et 2012 auprès de 2 millions américain.es, les chercheurs du Proceedings of the National Academy of Sciences ont découvert une probable corrélation entre l’augmentation de la fréquence des troubles mentaux et la hausse des températures. Selon cette étude, le passage de températures mensuelles comprises entre 25 °C et 30 °C à plus de 30 °C augmente la probabilité de développer des problèmes de santé mentale à 0,5 %. Les auteurs soulignent que l’augmentation de la température sur cinq années pourrait être associée  à une hausse de 2 % dans la fréquence des problèmes de santé mentale.

En parallèle, un groupe scientifique américain s’intéressant à la relation existante entre climat et santé mentale, révèle en 2019 dans le Journal of Health Economics, des résultats marquant d’une enquête. Se fondant sur diverses données en l’occurrence sur le suicide aux États-Unis (1960 et 2016) et l’état de santé mentale auto-déclaré (1993 et 2012), ces chercheurs ont estimé que l’augmentation d’une température mensuelle de 0,6°C entrainerait une augmentation des visites en urgence pour des problèmes de santé mentale et une hausse des suicides.

Bien que ces enquêtes aient été essentiellement menées dans un contexte américain, elles soulignent cependant le rapport entre variation climatique et santé mentale. Enfin, elle ouvre également la voie à des études dans d’autres pays.

La dépression, favorisée par la pollution

Jeune fille dans un état dépressif
Crédit: Ryan McGuire / Pixabay

Étroitement liée au réchauffement climatique, l’élévation du niveau de pollution de l’air (la formation d’ozone plus fréquente, la concentration des particules fines associées à des incendies ou des brumes de sable du Sahara…) n’est pas sans conséquence sur la santé mentale des populations. Dans une note publiée en 2019, des chercheurs d’ONU Environnement déclaraient que l’élévation du niveau pollution serait corrélée de manière biologique à l’apparition de troubles dépressifs.

Dans cette même veine, une étude britannique réalisée en 2019 révèle que l’exposition à des particules ultrafines, développerait trois à quatre fois le risque de faire une dépression. Selon cette étude, l’exposition à des particules ultrafines pourrait provoquer une réaction inflammatoire dans le cerveau et favoriser le développement de symptômes de la dépression.


La santé, un processus à sept portiques – Partie 1

A l’heure où la Covid-19 se place comme une véritable loupe grossissante des inégalités socio-spatiales, l’idée d’une meilleure santé humaine est perçue comme un gros défi à relever. Partout dans le monde, de nombreuses personnes rencontrent des difficultés quant à l’accès à un revenu suffisant, à un emploi, à une éducation de qualité, à une alimentation saine et durable, à des services de santé, à de l’eau potable et à un logement approprié. Certaines personnes sont victimes d’injustice sociale, de pollution en raison de la célérité de l’urbanisation ; d’autres pâtissent d’une plus grande inégalité de sexe et ne bénéficient guère de conditions environnementales favorables. D’une telle situation résulte de divers problèmes de santé à savoir le développement des pathologies, l’accroissement du taux de mortalité, décès prématuré etc. S’imprégnant de cette réalité, l’Organisation Mondiale de la Santé à l’occasion de la traditionnelle célébration de la journée mondiale de la santé, a invité le 7 Avril 2021, tous les acteurs de la santé à la participation d’une campagne dénommé « Pour un monde plus juste et en meilleure Santé ». L’objectif est d’encourager toutes les parties prenantes, politiques comme acteurs de la société civile, à œuvrer pour une meilleure santé dans le monde. Ainsi pour faire l’écho de cette journée mondiale assez particulière, nous vous proposerons tout au long de cette réflexion, sept portiques pour accéder à cet espace « Meilleure santé ».

L’éducation, un moyen indispensable pour une meilleure santé

Liée autrefois stricto sensu au champ médical (système de santé et de soins…), la santé revêt aujourd’hui de multiples connotations. Des systèmes de soins à l’urbanisme, de l’urbanisme à l’éducation, de l’éducation à l’équité et la justice sociale, la santé semble ne plus être limitée à une conception technico-scientifique de la médecine. La définition donnée en 1986 par l’OMS « État de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » a totalement élargi le champ de la santé. En rapport avec cette définition, de nombreuses études ont démontré les liens étroits entre éducation et santé. Avant d’aborder minutieusement la question des études qui prouvent la compatibilité entre « santé » et « éducation », il est important de signifier que le rapport entre ces deux notions s’étend à deux dimensions fondamentales. D’une part, parler d’éducation dans le champ de la santé, c’est avant tout favoriser l’accès de tous à une éducation de la qualité. Selon des experts comme Padmini Murthy (Professeur adjointe au New York Medical College School of Public Health), le niveau de connaissance, l’analphabétisme, l’illettrisme, la littératie, le niveau d’instruction et l’aptitude personnelle ont un impact significatif sur la santé humaine. En effet, elle affirme que le manque d’éducation et l’analphabétisme chez les femmes et les enfants ont des effets multiples et des conséquences négatives directes et indirectes sur leur santé. Cette vision est confirmée par la déclaration d’Incheon 2015 qui stipule que l’éducation développe les connaissances, les valeurs et les attitudes, permettant aux citoyens de mener une vie pleine en bonne santé. D’autre part, la relation entre « santé » et « éducation » se perçoit dans l’apparition du concept « Education pour la santé » développé lors de la 36eme assemblée mondiale de la santé en 1983. Ce concept désigne « tout ensemble d’activités d’information et d’éducation qui incitent les gens à vouloir être en bonne santé, à savoir comment y parvenir, à faire ce qu’ils peuvent individuellement et collectivement pour conserver la santé, à recourir à une aide en cas de besoin ». Il constitue alors un véritable moyen de prévention visant à réduire la mortalité prématurée, le développement des pathologies mais également un moyen de vivre en meilleure santé. Bien qu’il existe peu d’études ayant établi une relation causale entre « santé » et « éducation », de nombreux auteurs n’ont pas manqué de souligner leur complémentarité. En 2010, Denney, et al ont montré par le truchement d’une étude réalisée aux Etats-Unis, que l’éducation permettrait d’accroitre l’espérance de vie de 3 à 7 ans pour les individus de 25-30 ans. Toujours dans cette même veine, Ferrie, et al, 2009 ont prouvé que les personnes possédant un niveau de connaissances de base limité souffrent plus souvent et plus tôt de maladies chroniques, respiratoires et coronariennes. Enfin, F. Bonnin, et A. M. Palicot 2001, affirment que l’éducation favorise le bien-être et le développement de la qualité de vie au niveau individuel et collectif.

L’accès à l’alimentation, un gage de promotion de la santé

En grand visionnaire, Hippocrate avait certainement compris le rapprochement entre santé et alimentation quand il affirma « Nous sommes ce que nous mangeons ». Il avait cerné déjà dans l’antiquité, le rôle primordial de l’alimentation dans la quête d’une meilleure santé. Exclusivement limitée par les nutritionnistes à certain un nombre de calories et de nutriments que nous devons consommer pour préserver notre santé, il est important de signifier que cette pensée du père fondateur de la médecine va bien au-delà du seul aspect nutritionnel. En effet, nous sommes certes le fruit de ce que nous mangeons, mais il parait évident de déclarer que nous mangeons les aliments dont nous avons accès. Par conséquent, parler de l’alimentation dans le domaine de la santé, c’est aussi évoquer la question de l’accès physique et économique des personnes à se procurer à tout moment une nourriture suffisante. Pour l’ONU (1995), l’accès à l’alimentation est importante non seulement pour la survie, mais aussi pour le plein développement des capacités physiques et mentales de chacun. C’est également un droit fondamental pour la réalisation de plusieurs droits comme le droit à la santé. De ce fait, renforcer l’accès à l’alimentation des personnes équivaut à donner la capacité à chaque individu de contrôler et d’améliorer son état de santé. Pour cela, le respect de quatre éléments à savoir l’adéquation (une nourriture disponible en fonction du contexte social, économique, culturel et environnemental), la disponibilité (accès à une nourriture suffisante et de qualité), l’accessibilité (l’accès à une nourriture sans discrimination et à des prix qui ne compromettent pas d’autres besoins essentiels) et la durabilité (le contrôle du système alimentaire), sont indispensables pour y parvenir.

Accès et condition de logement : Des leviers de la santé ?

Les différentes études sur les déterminants sociaux de la santé sont tous unanimes sur les liens étroits entre logement et santé. Les conditions de vie et l’état de santé des personnes sans domicile fixe, des personnes résidant dans les bidonvilles et celles obligées de rester dans des habitats insalubres, témoignent du rapport d’interdépendance entre « logement et la santé ». Les caractéristiques telles que la suroccupation, le mode d’occupation, le quartier de résidence, la disponibilité, le type et la dimension du logement sont susceptibles d’avoir une incidence positive ou négative sur la santé des occupants. Ellen et Al en 2001 le justifient en affirmant que « les résidents des quartiers défavorisés sont en moins bonne santé que les résidents des quartiers plus aisés ». Allant encore plus loin, une étude réalisée en 1996 au canada par Wilkins et al, montre que la probabilité de survie jusqu’à l’âge de 75 ans chez les hommes des quartiers les plus aisés se chiffrait à 68,6 %, tandis qu’elle n’atteignait que 53,4 % parmi les hommes des quartiers les plus défavorisés. Ces deux études bien qu’elles soient axées sur les populations ou l’individu, démontrent le rôle majeur du logement dans la promotion de la santé. Elles révèlent la nécessité des gouvernements à se pencher sur la question de la propagation des bidonvilles, à réfléchir à de véritables politiques d’accès au logement décent pour tous, mais également à créer des conditions de logement favorables à la santé.


PRÉVALENCE ET MORTALITÉ IMPUTÉES A LA COVID-19 : POURQUOI CETTE DISPARITÉ ENTRE L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET L’EUROPE

La fin de l’année 2019 est marquée par l’apparition d’un nouveau coronavirus dont l’appellation scientifique est CoronaVIrus Disease-2019 (COVID-19). Émergent au cœur de l’espace chinois, ce virus connait une propagation exceptionnelle et exponentielle au point de devenir une pandémie en quelques mois. Cette situation va contraindre la majorité des pays à édicter un ensemble de mesures coercitives dans le but de préserver la santé de leurs populations. Cette vague de mesures avec ses corollaires de fermetures des frontières, de gestes barrières, de confinements, de couvre-feu ont été au centre des actions politiques dans l’ensemble des continents. En attendant des évaluations solides et pertinentes de l’impact de ces mesures gouvernementales dans le monde, un premier constat peut être fait sur les chiffres en termes de contamination, de prévalence et de mortalité imputées à la COVID-19. Alors que des experts promettaient un désastre sans précédent en Afrique subsaharienne, contre toutes attentes cette région du continent africain semblent résister à la Covid-19, en connaissant des taux de mortalité et de prévalence inférieurs à ceux de l’Europe (OMS, 2020). Si pour certains, cet exploit relève d’un miracle divin, cet article se focalisera essentiellement sur deux facteurs en l’occurrence la démographie et la mobilité pour tenter d’expliquer cette disparité entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe. 

Le poids de l’âge dans la différenciation des chiffres

La récente étude « OpenSAFELY », menée par le collectif de chercheurs de l’université d’Oxford et de la London School of Hygiene and Tropical Medecine en 2020 auprès de 17,4 millions de Britanniques, place l’âge comme le premier facteur de risque du coronavirus loin des autres paramètres que sont l’obésité, le diabète mal contrôlé  et le cancer. De tels résultats sont à mettre en lien avec le rapport publié en mai 2020 sur le site du ministère français des Solidarités et de la Santé. Selon les experts de cette organisation gouvernementale, les personnes susceptibles de développer des formes graves du coronavirus, seraient les personnes de 65 ans et plus. Ces deux études conduisent à nous interroger sur le profil démographique de l’Afrique Subsaharienne et de l’Europe dans l’optique de justifier cette disparité de la mortalité et de la prévalence imputées à la Covid-19. Contrairement à l’Europe qui se caractérise par un taux de vieillissement de 19,7 % (Insee, 2020), l’Afrique Subsaharienne connait un faible taux de vieillissement, parfois de 3% dans certains pays (OMS, 2020). Ce faible taux de vieillissement ajouté à une population jeune estimée à plus 62% (Moins de 25 ans, Vie Public France) font de l’Afrique Subsaharienne, une zone où les taux de prévalence, de mortalité et de létalité imputés à la covid-19, sont parmi les plus faibles au monde. Cette disparité au niveau du profil démographique semble être à la base de la différence des taux de prévalence et de mortalité imputés à la Covid-19 entre l’Afrique Subsaharienne et l’Europe.

Des systèmes déplacements différents

Partant du principe que l’homme est le vecteur de transmission de la Covid-19, il parait intéressant de prendre en compte la mobilité dans l’explication des différences de prévalence et de mortalité entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe. Si l’Europe est un continent où système de transport reste très développé, l’Afrique subsaharienne en revanche à l’exception de l’Afrique de Sud, est encore à la traine en matière de mobilités et déplacements dynamiques. Dans cette région du monde, on assiste globalement à une faible connexité intra et interrégionale par rapport à l’Europe, à des difficultés de déplacement en raison du mauvais état des routes, à la caducité du réseau routier, à l’insuffisance des infrastructures de transport etc. De tels retards dans le domaine du transport place cet espace loin derrière l’Europe en termes de déplacement journalier par habitant. Une telle réalité pourrait expliquer ce faible taux de prévalence et de contagiosité en Afrique Subsaharienne. En se fondant sur la vision du sociologue Bruno Marzaloff stipulant que la mobilité « a été le super propagateur du virus », on peut affirmer que cette différence de déplacement journalier par habitant entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe, semble jouer sur les écarts de contagiosité et de prévalence, en constituant par ailleurs un véritable facteur de disparité.

Source de réflexion

https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019

https://www.insee.fr

https://www.vidal.fr/actualites/24945-etude-opensafely-sur-les-facteurs-de-risque-de-mortalite-dans-la-covid-19-resister-a-l-erreur-du-tableau-2.html